Le dédain arrogant de Vargas Llosa envers Proust et la Recherche est déplorable. Ce mépris est le produit de son incapacité personnelle à percevoir et à saisir la subtilité et la luminosité d'une œuvre axiale de la littérature contemporaine.
VARGAS LLOSA contre MARCEL PROUST
Dans mon article Proust et l'écrivain "afrancesado", je m'étonnais des déclarations de Vargas Llosa à propos de son "dégoût" de Marcel Proust :
"Je n'aime pas Marcel Proust et pendant de nombreuses années je l'ai caché. Plus maintenant. J'avoue que j'ai eu du mal à terminer « À la recherche du temps perdu », un ouvrage sans fin que j'ai lu avec beaucoup de difficultés, dégoûté par ses très longues phrases, par la frivolité de son auteur, par son monde minuscule et égoïste, et, surtout, par ses murs de liège, construits pour ne pas être distrait en entendant les bruits du monde (que j'aime tellement). (Journal espagnol El País, 19 avril 2020).
Déclaration pour le moins stupéfiante, disais-je, s'agissant d'un écrivain comblé et flatté par l'admiration que lui portent des intellectuels comme Antoine Compagnon, "proustologue" parisien édité chez Gallimard. En novembre 2017, Compagnon fit la promotion au Collège de France (où il était Professeur de Littérature Française Moderne et Contemporaine) des ouvrages du romancier péruvien publiés dans la luxueuse Bibliothèque de la Pléiade, couvrant d'éloges une œuvre esthétiquement irrégulière et médiocre. "García Márquez écrivain naïf pour des lecteurs naïfs; Vargas Llosa écrivain médiocre pour des lecteurs médiocres", ai-je écrit dans un autre de mes articles, pensant au Douanier Rousseau, le merveilleux peintre "naïf", et au Livre X de La République de Platon ("le médiocre rejoint le médiocre".)
L'opinion de Vargas Llosa contre Marcel Proust, opinion dictée par sa pusillanimité et par la méconnaissance d'une œuvre transcendantale que, de son propre aveu, il a été incapable de lire correctement ( "Vous êtes selon moi le modèle du lecteur", l'avait pourtant complimenté Compagnon), pourrait rappeler Contre Sainte-Beuve, l'essai qui annonce le début de la Recherche. Mais la comparaison est impossible entre le texte proustien, produit d'une extraordinaire sensibilité et d'une intelligence lumineuse, et la "pensée" obscure et incohérente d'un écrivain-reporter, publiciste vénal de l'Open Society, la société néolibérale qui a fait de lui son Captain America pour protéger ses intérêts au nom de la "liberté". (Open Society en revanche strictement fermée à des écrivains "ennemis de la démocratie" tels le poète Pablo Neruda ou le romancier Gabriel García Márquez, interdits de leur vivant d'entrer aux Etats-Unis, à l'instar de beaucoup d'autres artistes qualifiés de "leftist" par le FBI et la CIA .)
La lecture du dernier roman de Vargas Llosa -Tiempos Recios (2019)- mal traduit sous le titre "Temps Sauvages" (plagié du roman de Joseph Kessel, "Les Temps Sauvages", 1975), permet de confirmer la distance sidérale entre la haute qualité esthétique de la création proustienne et la platitude stéréotypée et grossière de la production de l'écrivain "nobélisé". Tout lecteur attentif pourra constater aisément que Temps Sauvages n'est qu'un récit romanesque à la structure archi-conventionnelle, rédigé dans une prose monotone et ennuyeuse, surchargé d'informations pseudo historiques. Cependant, Temps Sauvages présente un intérêt particulier : ce roman pourrait être lu comme une confession inconsciente et involontaire de Vargas Llosa sur l'origine de son "big success" littéraire. Sans craindre d'être traité de "complotiste paranoïaque", sa mise en question des mécanismes médiatiques américains (qui inventèrent de toutes pièces un supposé communisme dans l’innocent Guatemala pour en justifier sa colonisation et permettre à l’United Fruit d'exploiter gratuitement les bananeraies du pays) révèle, malgré lui, le mécanisme de son propre succès comme "best seller".
En effet, ces mêmes forces toxiques qui propulsent la propagande idéologique des États-Unis, forces déployées non seulement dans le petit Guatemala mais aussi en Europe (l'héroïque journaliste Julian Assange est en prison pour les avoir démasquées), le transformèrent d’écrivain médiocre en romancier génial, défenseur de la liberté menacée par les "criminal communists". Et, au passage, le hissèrent comme exemple à suivre pour les nouvelles générations d’écrivains. C'est le but du label ridicule "living legend" qui lui fut décerné par l' US Library of Congress, et le sens du non moins caricatural Irving Kristol Award offert à Vargas Llosa par l'American Enterprise Institute, nid des néoconservateurs américains et vivier du think-tank de l'extrême-droite du Parti Républicain ("To Mario Vargas Llosa, whose narrative art and political thought illumine the universal quest for freedom"). Vargas Llosa, rappelons-le, chaud partisan de Bush et de l'invasion de l'Irak, fut reçu à Bagdad par le commandement militaire américain et salué en tant que Nobel Prize...en 2003, sept ans avant son couronnement par l"Académie suédoise !
La longue (et parfois risible) liste des récompenses octroyées au romancier (y compris l'argent accordé par un viticulteur milliardaire du Médoc : “C’est avec beaucoup d’émotion que Mario Vargas Llosa, s’est vu attribuer les 20 000 euros du prix littéraire Château La Tour Carnet 2019" ), porte le sceau mal camouflé de l’US Ideological Publicity Agency (appelons-la ainsi par souci de transparence). Ce sont les publicistes de l’Agency, à l’instar des journalistes occupés à falsifier l’image du Guatemala au profit de l'United Fruit, qui ont conçu et mis en marche la machine médiatique qui a fait de Vargas Llosa le paladin du roman de la société néolibérale. Peu à peu, avec la complicité des éditeurs, le mécanisme devint automatique, fit "boule de neige" et enveloppa dans son inertie les dirigeants de nombreuses universités et académies, escortés par une masse de clercs littéraires et de journalistes irresponsables. Ils se sont laissé piéger et hypnotiser par ce qui apparaîtra dans le temps, au-delà de toute "théorie du complot", comme l'une des fraudes culturelles les plus dévergondées et cyniques de notre époque.
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La vie et l'œuvre de R. Barthes sont marquées par de nombreuses ambiguïtés, existentielles et rhétoriques. Orphelin pauvre d'un père tué pendant la guerre de 1914 lorsque son fils venait de naître, il vécut attaché à sa mère veuve, unique compagne de sa vie. Sémiologue plus par destin que par choix (tuberculeux depuis sa jeunesse, il ne put accomplir un parcours académique régulier comme Sartre, son mentor), il s'intéressa à l'exploration et à la définition d'un nouveau type de texte (Théorie du texte). Le roman et le romanesque occupent une bonne place dans ses recherches. Il passe d'une critique sans concessions du roman comme genre narratif périmé (Le Degré Zéro de l'écriture, 1953) à un « désir de roman » vers la fin de sa vie (« La Préparation du roman », séminaire au Collège de France, 1978-1980). Le présent article essaie d'éclairer cette dérive rhétorique et apporte quelques éléments pour établir une Théorie de l’Intertexte, genre littéraire post-romanesque.
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resumé
Roland Barthes a « poétisé » la sémiologie, disais-je dans la première partie, plutôt romanesque, de cet essai. Il était non seulement un grand scientifique de la littérature, mais aussi un subtil poète. Les années qu’il passa dans sa jeunesse, pour des raisons « alimentaires », dans nombre de bibliothèques où il devait explorer interminablement des documents « linguistiques » harassants, lui ont donné en contrepartie une vision inouïe et originale de la langue française. D’abord plutôt « écrivant » (selon sa propre terminologie « écrivant / écrivain », l’écrivant utilisant transitivement la langue comme un outil de....
De la théorie du Texte à la théorie de l'Intertexte
La vie et l'œuvre de R. Barthes sont marquées par de nombreuses ambiguïtés, existentielles et rhétoriques. Orphelin pauvre d'un père tué pendant la guerre de 1914 lorsque son fils venait de naître, il vécut attaché à sa mère veuve, unique compagne de sa vie. Sémiologue plus par destin que par choix (tuberculeux depuis sa jeunesse, il ne put accomplir un parcours académique régulier comme Sartre, son mentor), il s'intéressa à l'exploration et à la définition d'un nouveau type de texte (Théorie du texte). Le roman et le romanesque occupent une bonne place dans ses recherches. Il passe d'une critique sans concessions du roman comme genre narratif périmé (Le Degré Zéro de l'écriture, 1953) à un « désir de roman » vers la fin de sa vie (« La Préparation du roman », séminaire au Collège de France, 1978-1980). Le présent article essaie d'éclairer cette dérive rhétorique et apporte quelques éléments pour établir une Théorie de l’Intertexte, genre littéraire post-romanesque.
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L’égarement
La mort de Roland Barthes, renversé à Paris par une camionnette le 25 février 1980, ne fut pas immédiate. C’est un fait aujourd’hui bien connu. Son agonie allait se prolonger pendant plus d’un mois dans une salle de soins intensifs de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il est resté dans un semi-coma tout au long du mois de mars. D’après quelques amis qui ont pu s’approcher de lui, il n’était pas complètement inconscient et parfois il répondait par des gestes ou des mouvements des lèvres lorsqu’on lui adressait la parole. Mais il est mort sans...
Le rayonnement de la pensée de Sartre était déjà planétaire au milieu du 20e siècle et atteignait des pays aussi lointains de l'Europe que le Chili, à une époque ou les moyens de communication et les transports étaient encore précaires en comparaison à ce qu'ils sont devenus aujourd'hui.
Cet essai, qui s’appuie surtout sur la pensée littéraire de celui qui est considéré en Amérique latine comme le plus grand penseur français contemporain, témoigne de l'influence sartrienne et de son résultat, parfois antithétique, dans Les Phases de la Guérison, œuvre qui débute et se développe grâce à des ouvrages qui vont de La Nausée jusqu'à L'Idiot de la famille, passant par les Carnets de Guerre, Les Chemins de la Liberté, L’Être et le Néant, Réflexions sur la question juive, etc.
L'existentialisme n'est peut-être plus "à la mode", mais l'exemple de Sartre et de sa quête de liberté et d’authenticité est parfaitement vivant et plus nécessaire que jamais.
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[1] Entretien publié simultanément en français, en espagnol et en anglais.[2] C'est la thèse que je soutiens dans Bakhtine, Proust et la polyphonie romanesque chez Dostoïevski .
[3] Fernando Pessoa (Lisbonne 1888 – 1935) est mort pratiquement inédit et méconnu de ses contemporains. Aujourd'hui il est reconnu comme le plus grand écrivain du Portugal et l'un des plus importants poètes du 20e siècle.
Répondant à une invitation du professeur de littérature de l’Universidad de Chile, David Wallace, je me suis rendu à Santiago en octobre 2017 pour quelques échanges avec ses étudiants autour de l’évolution du roman comme genre littéraire et des nouvelles modalités de la littérature narrative rendues possibles par l’invention de l’écriture électronique et l’expansion planétaire d’Internet. Ma collaboration avec Sens Public, depuis sa fondation par Gérard Wormser, au début des années 2000, m’a permis, entre autres, de faire connaître aux étudiants le labeur déployé par l’Association et la revue, dont la perspective numérique, hautement culturelle et avant-gardiste, est désormais connue et suivie dans le milieu universitaire du Chili.
Le dossier est composé de trois articles liés entre eux. Le dernier texte, rédigé par le professeur Wallace lui-même, permet, par la constellation des citations qui l’éclairent, d’avoir un aperçu de l’ensemble de l’avant-garde littéraire latino-américaine tout au long du XXe siècle.
1 - Plagiat et Intertextualité
(Artículo en español : "Plagio e intertextualidad")
2 - Membres épars de l’avant-garde chilienne
Voir le Dossier photographique de "Miembros Dispersos de la vanguardia chilena" en PDF joint, ci-dessous.
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LA VIE NOUVELLE DE MARCEL PROUST / LA NUEVA VIDA DE MARCEL PROUST
(À propos du Mystérieux Correspondant)
LA NUEVA VIDA DE PROUST
(A propósito de El Misterioso Corresponsal)
Éditions de Fallois ha publicado, bajo la dirección de Luc Fraisse, una colección de cuentos inéditos de Marcel Proust, El Misterioso Corresponsal (Le Mystérieux Correspondant). Son nueve relatos escritos hacia 1896, año de la publicación del primer libro del escritor -Los placeres y los días (Le Plaisir et les Jours)- que reúne textos de los que probablemente formaron parte los inéditos, antes de ser descartados por el autor. Sólo uno de ellos, el que da título a la colección, fue terminado.
Luc Fraisse, especialista de la obra de Proust, percibió la calidad estética de estos fragmentos, conservados durante mucho tiempo en los archivos de Bernard de Fallois (fallecido en 2018), gran aficionado y coleccionista de manuscritos proustianos. Apoyado por Dominique Goust, director de Éditions de Fallois, tomó la decisión de analizarlos científicamente y ofrecer los resultados de su investigación al público más amplio posible, más allá de los círculos universitarios (Luc Fraisse es profesor de literatura en la Universidad de Estrasburgo). Estudió cada uno de los textos, buscando en particular vínculos detectables con los cuentos de Los Placeres y los días, pero también con Contra Sainte-Beuve (Contre Sainte-Beuve) y En búsqueda del tiempo perdido (A la Recherche du Temps Perdu), como lo señala en el ensayo que cierra el libro : Las fuentes de la Búsqueda del Tiempo Perdido (Aux Sources de la Recherche du Temps Perdu).
Lo que llama la atención en la lectura de los nueve textos propuestos, inacabados o no, es su viva calidad poética. Desde la primera línea hasta la última, hay una vida que brota y busca encontrar su forma a través de la escritura. El lector sabe, por supuesto, que se trata de Marcel Proust y que se encuentra ante las primeras manifestaciones de su genialidad. Si sigue con atención el desarrollo de las historias (cierto, a veces abruptas porque no fueron suficientemente trabajadas), no puede sino apreciar el suspenso de las situaciones, el misterio que se esconde detrás de los personajes, la tristeza o el placer transmitidos por la historia contada. La vibración vital que emana de los relatos, su transparencia y su ingenio, los hacen encantadores a pesar de su incompletud. O, quizás, gracias a esta incompletud. ¿A quién no conmueven los primeros dibujos, bocetos o pinturas de Picasso adolescente, todavía poco hábil? Su genialidad ya está ahí, fenómeno por cierto aún más apreciable si se conoce el resto de su producción pictórica. Dudar del interés estético de los escritos juveniles de Proust sería una apreciación más cercana a la pusilanimidad que a una lectura realmente atenta, la cual, además, debe ser razonablemente generosa si se tiene en cuenta la edad de su autor.
El primer cuento -Pauline S.- es la historia de una mujer que padece un cáncer incurable. El relato conlleva una meditación sobre la muerte, tema al cual volvería a menudo Proust en los comienzos de su juventud. El segundo texto -El Misterioso Corresponsal- cuenta un amor incomprendido entre dos mujeres, cuya frustración provocará la muerte por melancolía de una de ellas y el tardío sentimiento de culpa y desesperación de la otra. A este texto, perfectamente logrado, le sigue un fragmento de una divagación mucho más "hard" (para usar aquí una palabra de la pornografía Internet) y cercana a las fantasías "gays" ("le gustaban los artilleros a los que les lleva un largo tiempo -¡ah tanto tiempo!- para desabrocharse el cinturón”). El tercer relato -Recuerdo de un capitán (Souvenir d’un Capitaine)- evoca también la homosexualidad, aunque la anécdota del ex oficial aristocrático y su deslumbramiento por un modesto cabo de guardia no irá más allá de la sensación de un deseo relámpago y frustrado. En el cuarto relato -Jacques Lefelde (el extranjero) (Jacques Lefelde (l’étranger)- el lector descubre una historia bruscamente interrumpida y decepcionante, cargada de datos inverosímiles. La anécdota se desarrolla en el Bois de Boulogne donde el narrador observa de lejos a un amigo que camina solitario por el lago, esperando a alguien que nunca aparece. El caminante parece un “habitué” del mítico lugar donde hombres y mujeres se pasean en busca de un placer furtivo y rápido, pero, como le confiesa al narrador, sólo está enamorado de la belleza del lago. Difícil de creer. El quinto cuento -En el infierno (Aux enfers)- es una divertida elucubración filosófica en torno a las cualidades y defectos de la mujer, salpicada de algunas referencias a la Biblia. Sodoma y Gomorra (Sodome et Gomorrhe) y la homosexualidad se insinúan detrás de este relato más bien jocoso que, sin embargo, podría despertar la ira de las feministas de hoy. El título del siguiente texto -Después de la octava sinfonía de Beethoven (Après l’huitième symphonie de Beethoven)- anuncia un éxtasis que, a primera vista, el lector puede no experimentar. No hay anécdota en sentido estricto, ni suspenso ni narración en el sentido habitual de la palabra. ¿Es una carta dirigida a un ser querido, a un poeta o una breve meditación a la Schopenhauer sobre la música? El genio de Proust lo empuja a describir, más que un fenómeno puramente estético, reconocible por cualquier melómano, el “cuerpo sutil” conocido por los maestros esotéricos con el nombre de “cuerpo astral”. Pero Proust, todavía muy joven, no es plenamente consciente del alcance de su descripción. En cambio La consciencia de amarlo (La conscience de l’aimer) despliega con claridad, en dos breves páginas, la dolorosa certeza de un amor imposible, reemplazada por las caricias íntimas y solitarias de un gato-ardilla que se desliza entre la fantasía y las manos del decepcionado amante. El regalo de las hadas (Le don des fées), el octavo y más largo de los cuentos inacabados, recuerda con gracia los cuentos de hadas, al tiempo que juega con la imagen del genio benefactor de los artistas que nos hacen la vida menos aburrida, más llevadera, una lista de la que Proust modestamente se excluye dudando de la inmensa luz que su propio genio iba a derramar sobre el espíritu de nuestro tiempo. El protagonista se encierra y se protege tras un muro de metáforas sobre las desgracias del amor humano y escucha con humildad las profecías de un hada sobre su propio destino, donde la enfermedad se convertirá en fuente de iluminación. Fue así que había amado (C’est ainsi qu’il avait aimé) concluye simbólicamente la colección, un breve relato que es una especie de deo gratias de Proust por haber comprendido que -al igual que los pájaros cantores, cuyo destino más hermoso es cantar- su propia salvación vendría de su vocación artística, de su escritura.
He aquí entonces una lectura posible de esta colección de textos abandonados, encontrados en desorden, antes de ser cuidadosa y poéticamente ordenados por su arquitecto-editor. ¿Por qué Proust decidió dejarlos de lado al escribir Los placeres y los días? Para Luc Fraisse una de las razones sería la homosexualidad abiertamente exhibida en algunas situaciones vividas por los personajes. Proust, consciente de la hipocresía de la época sobre el tema, hubiera preferido evitar que su primer libro fuera objeto de la malevolencia de la crítica y del público. Esta hipótesis está respaldada por un hecho histórico inmediatamente contemporáneo a la escritura de los cuentos: la condena en 1895 a dos años de trabajos forzados de uno de los más grandes escritores de finales del siglo XIX, Oscar Wilde, denunciado y martirizado por la burguesía inglesa a causa de su homosexualidad. Proust conoció y admiró a su manera a Oscar Wilde y, sin duda, temía la peligrosa estupidez de la sociedad de su tiempo. Tenía poco más de veinte años y su discreción fue obviamente sensata. Esta discreción se hizo menos necesaria al final de su vida y de su obra. El Proust de Sodoma y Gomorra, ganador del Premio Goncourt de 1919 otorgado a A l’ombre des jeunes filles en fleur ( A la sombra de las jóvenes en flor) segundo tomo de En busca del tiempo perdido, tenía mucho menos que temer de la sociedad de la Belle Époque. Añadamos que, como todos los grandes genios, presentía su muerte próxima. No tenía nada que perder. La secuencia de los hechos le dio la razón, pues murió en 1922, antes de la publicación de Sodoma y Gomorra : quizás no quería encontrarse en el mundo sofisticado y snob del Faubourg Saint Germain obligado a disculparse por sus preferencias sexuales.
Curiosamente, eminentes “proustólogos” parisinos cuestionan no sólo la originalidad y la actualidad de estos textos hasta ahora inéditos, sino también la genialidad del escritor en su juventud. Proust sería, según ellos, sólo un genio “tardío”. Incluso se permiten adelantar, con precisión de relojeros, la edad del comienzo de su genialidad: 42 años. Esta precisión risible es probablemente el resultado de un punto de vista novelesco, convencional y obsoleto, en el análisis de la Recherche y de un enfoque freudiano que distorsiona la percepción revolucionaria de la psicología del "yo" desplegada por Proust. Deficiencias que impiden comprender, entre otras cosas, las características del genio. Kurt Schneider, psiquiatra alemán post-freudiano que define la psicopatía como una "forma de ser" y no como una enfermedad adquirida, sitúa la personalidad del genio en lo más alto de su conmovedora (y, por cierto, cuestionable) lista de psicópatas -Die psychopathischen Persönlichkeiten- , lista que también incluye al criminal. La constelación de genes que acompaña el nacimiento de todo ser humano, se lo quiera o no, son la base del genio. Fernando Pessoa, poeta indiscutiblemente genial, asegura en su Fausto, a pesar de su ateísmo, que “el talento es un don de Dios” y que por eso nunca debería ser motivo de celos por parte de quien no lo posee. Beethoven, el autor de la octava sinfonía , ¿estaba celoso de Mozart y de su sinfonía Nº 40? Mozart, ¿fue un genio solo a partir Don Giovanni y no en su infancia?
Pasemos...
El minucioso aparato científico y poético (en el sentido definido por Roman Jakobson, que supo detectar "lo poético" en diversos aspectos de la creación humana) forjado por Luc Fraisse para relacionar los escritos del joven Proust con los de su madurez, permite apreciar en su verdadera dimensión el genio vivo y en evolución del escritor. En busca del tiempo perdido, majestuoso río de la literatura universal, no puede ser admirado en su verdadera dimensión si lo separamos de sus fuentes. Pero hay todavía otro aspecto poético en la edición de los cuentos inéditos de Proust : la forma de la colección recuerda la estructura de la Vita Nuova de Dante Alighieri, donde el poeta explica, a veces con mucha largueza, lo que quiso decir en su juventud. “La explicación como poesía, la poesía como explicación”, decía Lautréamont en sus Poesías, todas en prosa, que acompañan a los Cantos de Maldoror.
Para no dejar a su vez inconclusa esta nota de lectura, conviene señalar que el libro editado por Dominique Goust y el equipo de Éditions de Fallois (considerada una "petite maison" en el muy altivo “milieu germanopratin” de París) incluye un suplemento de facsímiles de algunos manuscritos y documentos (cartas, fotografías, dibujos). Dominique Goust, al apoyar a Luc Fraisse en su exploración de las fuentes de la obra de Proust, exploración admirable que confirma que el tiempo redescubierto por Marcel Proust abre el camino a una vita nuova de la literatura, ha alcanzado un éxito mundial. El Misterioso Corresponsal comienza a ser traducido a muchos idiomas. ¿Podemos esperar de los “proustólogos” de todo el mundo, incluso de Francia, el fin de los celos ? Proust (autor del cuento epónimo, La fin de la jalousie), cuyo sentido del humor era verdaderamente genial, reiría a carcajadas.
Mikhaïl Bakhtine, le grand théoricien russe du roman, n’eut pas la possibilité - pour des raisons conjoncturelles - d’analyser en profondeur l’œuvre de Marcel Proust. Dans cet article, rédigé pour le colloque « Bakhtine / Proust, regards croisés », organisé par Tatiana Victoroff et Luc Fraisse à l’Institut Gorki de Moscou (octobre 2019), il est question de ce manquement et de ses répercussions sur l’histoire de la littérature, notamment sur l’évolution des genres littéraires entre le roman polyphonique de Dostoïevski et l’intertexte, genre post-romanesque dont le développement implique la reconnaissance de À la recherche du temps perdu en tant que genre narratif intermédiaire, l’autofiction.
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Éditorialisation et littérature
Du roman à l’intertexte
18 mars 2016
Résumé : Depuis sa création, Sens public est apparu dans le champ des médias comme une structure à l’avant-garde de changements décisifs pour l’évolution de la société contemporaine. Son fonctionnement a permis que des démarches culturelles synergiques puissent coïncider en son sein, donnant lieu à « un réseau d’intelligences » qui s’élève au-dessus des lourdeurs institutionnelles surannées. C’est ainsi que des phénomènes comme l’éditorialisation et l’intertexte, nettement avant-gardistes, ont pu se rejoindre tout en multipliant leur potentiel de développement, aussi bien dans le monde de la communication que dans celui de la littérature.