Chantal
Aux versions « papier » de La Guérison, s’ajoute maintenant, grâce aux progrès de la technologie, la version électronique (Kindle, 2021). Cette version coïncide, chronologiquement, avec la commémoration du 7ème centenaire de la mort de Dante Alighieri (Florence 1265, Ravenne, 1321). Le glossaire conseillé par Michel Butor n’est plus nécessaire en tant que livre séparé, puisque maintenant le lecteur peut accéder -par un simple « clic »- directement aux traductions, incorporées à la masse globale de l’ouvrage. La révolution cybernétique, l’écriture et la lecture électroniques ouvrent les portes au développement de l’Intertexte plurilingue. Le dépassement du roman comme genre littéraire monolingue, qui prit son essor grâce à l’invention de l’imprimerie, est donc techniquement matérialisé et esthétiquement accompli. Le lecteur d’aujourd’hui dispose, d’ailleurs, des facilités de lecture apportées par les nouvelles technologies (liens hypertextuels, police et couleurs des caractères, etc.), y compris la plus importante : s’introduire, s’il le veut, dans la structure même de la narration pour, éventuellement, la modifier et lui donner la forme qu’il voudra. La lecture-écriture, impossible dans le roman conventionnel, fermé au lecteur qui veut écrire (« le vrai lecteur », selon Roland Barthes) devient une réalité.
Évidemment, le « monde des lettres », y compris celui de l’édition, s'en trouve profondément bouleversé. Du roman on passe à l’Intertexte. Et de l’édition on passe à l’« éditorialisation », concept et modalité de publication développé par l’équipe de Sens Public avec l’appui de l’Université de Montréal. La Divine Comédie, qui servit de pont entre l’épopée et le roman, sert d’appui -sept siècles après sa création- au passage du roman à un nouveau genre narratif, l’Intertexte. Dante Alighieri est, littérairement, toujours vivant.
La nouvelle version de La Guérison, publiée par Create Space (USA), se présente explicitement et sans équivoque, comme un intertexte et non plus comme un roman (Éditions de la Différence, Paris, 2000).
Dans La Guérison, le lecteur est confronté, d'entrée du jeu, au défi du plurilinguisme intertextuel. Dans le cas précis de cette "nouvelle Divine Comédie", les langues utilisées sont le français, l'italien, l'espagnol, l'anglais, mais aussi -épisodiquement- le latin et le mapudungún, la langue des indiens mapuches de l'Araucanie chilienne. Cette "comédie linguistique" ne requiert pas de traductions, lesquelles ne feraient qu'amoindrir son effet esthétique, mais le récit en français "vulgaire", dominant par rapport aux autres narrations, est parfaitement cohérent et il peut être suivi comme un roman ordinaire. En tout cas, le lecteur "monolingue" peut accéder à l'intégralité de l'histoire de La Guérison en faisant appel à De l'éloquence en langue d'oïl, petit glossaire conseillé par Michel Butor où les textes écrits dans les langues autres que le français, sont traduits en "langue d'oïl"... telle qu'elle est parlée dans la France du début du troisième millénaire.
PROUST ET L'ÉCRIVAIN "AFRANCESADO"
Dans le journal espagnol El País (19 avril 2020), Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature 2010, défenseur acharné du roman (et de la société capitaliste), avouait son dégoût de Marcel Proust :
"Je n'aime pas Marcel Proust et pendant de nombreuses années je l'ai caché. Plus maintenant. J'avoue que j'ai eu du mal à terminer « À la recherche du temps perdu », un ouvrage sans fin que j'ai lu avec beaucoup de difficultés, dégoûté par ses très longues phrases, par la frivolité de son auteur, par son monde minuscule et égoïste, et, surtout, par ses murs de liège, construits pour ne pas être distrait en entendant les bruits du monde (que j'aime tellement). Si j'avais été lecteur chez Gallimard lorsque Proust a présenté son manuscrit, j'aurais peut-être déconseillé sa publication, comme l'a fait André Gide (il s'est repenti le reste de sa vie pour cette erreur.)"
Déclaration pour le moins stupéfiante, s'agissant d'un écrivain comblé et flatté par l'admiration que lui portent des intellectuels comme Antoine Compagnon, proustologue parisien. Il y a quelque temps, Compagnon s'occupait de la promotion commerciale des œuvres du romancier publiées dans la "Bibliothèque de la Pléiade". La promotion eut lieu au Collège de France, où Compagnon était encore professeur de littérature française. Or, voici que le proustologue, dans un dithyrambe étonnant, accueillait Vargas Llosa en le plaçant pratiquement dans la catégorie "écrivain français"… même si Varguitas (surnom du romancier) n'a jamais écrit une seule page en français.
Cela veut dire ce que cela veut dire : la dénomination "écrivain français" en tant qu'éloge, avec ses connotations nationalistes à l'égard des écrivains latino-américains, est quelque peu ambiguë et un tantinet méprisante. Borges, Neruda, Cortázar, etc., auraient-ils accepté, sans rire, une appellation qui rappelle celle de "vin français" utilisée dans les restaurants pour vanter la qualité des grands crus ?
Mais Antoine Compagnon n'est pas le seul dans ses maladresses provoquées par le commerce littéraire (les luxueux volumes de la Bibliothèque de la Pléiade sont très chers, rappelons-le). Déjà des années auparavant, Bertrand Poirot-Delpech, ancien critique littéraire du journal Le Monde, au moment du lancement chez Gallimard de la traduction de l'Orgía Perpetua (titre inspiré par la célèbre "orgie perpétuelle" de Flaubert), sorte de théorie du roman de l'écrivain péruvien, disait de Vargas Llosa, sans peur du ridicule: "Flaubert, c'est lui!". Or, est-il honnêtement possible de comparer l'un des maîtres de la prose française, qui réécrivait sans cesse ses phrases, toujours insatisfait du résultat, avec la prose de Varguitas, écrite à coups de machette et à la vitesse d'un reporter ? En réalité La Orgía Perpetua, dans sa version originale en espagnol, n'est qu'un ouvrage arbitraire et désordonné, farci de mots français éparpillés capricieusement dans l'épaisseur du texte, où Vargas Llosa exhibe son français de salon, tout en détournant et déformant l’œuvre de son prétendu maître, Gustave Flaubert.
À l'égal de Poirot-Delpech dans son hommage dythirambique à l'écrivain péruvien, Antoine Compagnon dévoile sa faible connaissance de la littérature latino-américaine, y compris celle de l'œuvre de Varguitas, esthétiquement irrégulière et médiocre. "García Márquez écrivain naïf pour des lecteurs naïfs; Vargas Llosa écrivain médiocre pour des lecteurs médiocres", ai-je écrit dans l'un de mes articles, pensant au Douanier Rousseau, le merveilleux peintre "naïf", et au Livre X de La République de Platon ("le médiocre rejoint le médiocre"). Peut-on mettre sur un pied d'égalité Vargas Llosa (lequel, j'insiste, n'a jamais écrit une page en français) avec Samuel Beckett, Cioran, Nathalie Sarraute, Kundera, Jorge Semprún, Hector Bianciotti ou Andreï Makine dont une bonne partie de leur travail est écrite en français? Varguitas n'est en vérité que le triste exemple de "el escritor afrancesado", l'écrivain arriviste qui profite de la fastueuse culture de la France, chargée de siècles, de génies et de révolutions, pour s'enjoliver lui-même et cacher les faiblesses de son intellect et la mesquinerie de ses sentiments.
Heureusement, ce n'est pas du tout le cas des spécialistes russes de l'œuvre de Proust, réunis à l'Institut Gorki de Moscou (congrès "Proust / Bakhtine / Regards Croisés", novembre 2019), dont la Revue d'Études Proustiennes se fait l'écho. En effet, malgré les éloges opportunistes du proustologue Antoine Compagnon envers Vargas Llosa ( "Vous êtes, selon moi, le modèle du lecteur"), Proust mérite mieux que des lecteurs médiocres, fussent-ils prix Nobel de littérature .
PROUST Y EL "ESCRITOR AFRANCESADO"
En el diario español El País (19 de abril 2020), Mario Vargas Llosa, premio Nobel de literatura 2010, ardiente defensor de la novela (y de la sociedad capitalista) proclamaba su rechazo de la obra de Marcel Proust:
"A mí no me gusta Marcel Proust. Por muchos años lo oculté. Ahora ya no. Confieso que lo he leído a remolones; me costó trabajo terminar En busca del tiempo perdido, obra interminable, y lo hice a duras penas, disgustado con sus larguísimas frases, la frivolidad de su autor, su mundo pequeñito y egoísta, y, sobre todo, sus paredes de corcho, construidas para no distraerse oyendo los ruidos del mundo (que a mí me gustan tanto). Me temo que si yo hubiera sido lector de Gallimard cuando Proust presentó su manuscrito, tal vez hubiera desaconsejado su publicación, como hizo André Gide (se arrepintió el resto de su vida de este error).
Declaración sorprendente tratándose de un escritor arropado por la admiración de algunos intelectuales como Antoine Compagnon, conocido proustólogo parisino. Hace algún tiempo se ocupaba de la promoción comercial de las obras del novelista publicadas en la lujosa "Bibliothèque de la Pléiade". La promoción tuvo lugar en el Collège de France donde el proustólogo era profesor de literatura francesa. Pues bien, en un ditirambo publicitario más que literario, Compagnon elogiaba a Vargas Llosa colocándolo prácticamente en la categoría "escritor francés"…pese a que Varguitas jamás ha escrito una página en francés.
La denominación "ecrivain français" en cuanto elogio, con sus connotaciones nacionalistas respecto a los escritores latinoamericanos, es algo ambigua y un poquitín despectiva. Borges, Neruda, Cortázar, etc., ¿hubieran aceptado sin reírse una etiqueta que recuerda la famosa publicidad "vin français", utilizada en los restaurantes para subrayar la calidad de los vinos franceses?
Antoine Compagnon no es un caso aislado en sus torpezas provocadas por el comercio literario (los volúmenes de la "Bibliothèque de la Pléiade" son muy caros y es necesario favorecer su venta de un modo u otro). Años atrás Bertrand Poirot-Delpech, crítico literario del diario Le Monde, aplaudía la publicación en Gallimard de La Orgía Perpetua, especie de teoría de la novela del escritor peruano, cuyo título se inspira de la famosa orgie perpétuelle de Flaubert. "Flaubert, c'est lui!", decía, sin temor al ridículo. ¿Cómo comparar a uno de los maestros de la prosa francesa, que reescribía innúmeras veces una frase sin darse nunca por satisfecho, con la prosa escrita a machetazos y a velocidad de un reportero por Varguitas (Conversación en la Catedral, La Casa Verde, etc.)? En realidad, La Orgía Perpetua es una obra arbitraria y desordenada, plagada de palabras francesas diseminadas en el espesor de un texto donde Varguitas exhibe sobre todo su francés de salón, deformando penosamente el legado de Gustave Flaubert.
Al unísono de Poirot-Delpech en su ditirambo de homenaje al escritor peruano, Antoine Compagnon muestra su débil conocimiento de la literatura latinoamericana, incluyendo la del propio Varguitas, estéticamente irregular y mediocre. "García Márquez escritor "naïf" para lectores ingenuos. Vargas Llosa, escritor mediocre para lectores mediocres", afirmo en uno de mis artículos, pensando en el maravilloso pintor "naïf", el Douanier Rousseau, y en la mediocridad denunciada por Platón en el Libro X de La República ("lo mediocre atrae a lo mediocre"). ¿Es posible poner en un mismo nivel a Vargas Llosa (quien, insisto, nunca ha escrito una página en francés) con Samuel Beckett, Cioran, Nathalie Sarraute, Milan Kundera, Jorge Semprún, Héctor Bianciotti o Andreï Makine que han escrito una parte importante de sus obras en francés? En realidad Varguitas es el típico escritor "afrancesado", que puede definirse como aquel que se aprovecha de la fastuosa cultura de Francia, cargada de siglos, de genios y revoluciones, para adornarse superficialmente y ocultar las debilidades del intelecto y la mezquindad de los sentimientos.
Felizmente no es el caso de los especialistas rusos de la obra de Proust que se reunieron en el Instituto Gorki de Moscú (congreso "Proust/Bakhtine, Regards croisées", noviembre 2019) del cual se hace eco la Revue d'Etudes proustiennes. Pese a los elogios oportunistas del proustólogo Antoine Compagnon a Vargas Llosa ("Vous êtes, selon moi, le modèle du lecteur"), Proust merece mejor suerte que lectores mediocres…aunque sean ganadores del premio Nobel de literatura.
Le glossaire conseillé par Michel Butor pour accompagner la version papier en 2000 avec les traductions en français des textes écrits dans d’autres langues, n’est plus nécessaire, puisque maintenant le lecteur peut accéder désormais directement aux traductions. La révolution cybernétique, l’écriture et la lecture électronique favorisent l’Intertexte plurilingue et ouvrent les portes à la sortie du roman comme genre littéraire monolingue, dont le dépassement est, par conséquent, techniquement et esthétiquement confirmé.
De plus, maintenant le lecteur dispose de toutes les facilités de lecture apportées par les nouvelles technologies, y compris la plus importante : s’introduire, s’il le veut, dans la structure même de l’ouvrage pour, éventuellement, la modifier et lui donner la forme qu’il voudra. La lecture-écriture, impossible dans le roman conventionnel, devient un jeu littéraire hautement créatif. Dante Alighieri, mort il y a sept siècles, est en quelque sorte ressuscité… littérairement parlant. En même temps, la littérature se trouve enrichie par les lecteurs-écrivains et "guérie" de sa "maladie" romanesque, provoquée par le solipsisme et l’égocentrisme du romancier ordinaire. Évidemment, "le monde des lettres", y compris celui de l’édition, se trouve inéluctablement bouleversé. Et, souhaitons-le, "assaini".
3 au 7 octobre 2017
Conférence dans l'amphithéâtre de l'Université.
David Wallace et Roberto Gac
1 semaine d'échanges avec les étudiants de 3ème cycle en Littérature du Professeur Wallace
28 et 29 octobre 2019
Marcel Proust et Mikhaïl Bakhtine : regards croisés
L'idée initiale de ce colloque appartient à Luc Fraisse, professeur de l'université de Strasbourg, éminent spécialiste de l'oeuvre de Proust et auteur de nombreux ouvrages de référence.
Tout au long de ces deux journées, une équipe de jeunes traducteurs de l'université linguistique de Moscou a accompagné les intervenants.
Chacun des textes des intervenants feront partie d'une publication dans le n°13 de la Revue d'Études Proustiennes.
INSTITUT DE LITTÉRATURE MONDIALE GORKI
Lundi 28 octobre 2019.
Roberto Gac et Chantal Waszilewska.
Vadim Polonski, Directeur de l'Institut.
Tatiana Victoroff Luc Fraisse
Salle Kaminni
Irina Popova de l'Institut de littérature mondiale Gorki : "Le roman et le temps : Proust et Bakhtine, le problème de la présence implicite".
Jérôme Roger, de l'Université Montaigne de Bordeaux : "Lecture dialoguée, "critique dialogique" : Le Contre Sainte-Beuve de Proust au prisme de Bakhtine".
Pause-déjeuner.
Visite du Département des Manuscrits de l'IMLI, notamment la thèse de Bakhtine avec le vote du jury.
Reprise à 14h30.
Anna Lushenkova-Foscolo de l'Université Jean Moulin de Lyon 3 : À la recherche de l'hétéroglossie dans le cycle romanesque de Marcel Proust.
Ioulia Podoroga de l'Université de Strasbourg : La métaphore du chronotope, corrigée par Bergson, appliquée à Proust.
Pause-café.
Serge Fokine, de l'Université d'État de l'Économie de Saint-Pétersbourg : Proust, Bakhtine et Dostoïevski.
Roberto Gac, Écrivain : Bakhtine, Proust et la polyphonie romanesque chez Dostoïevski.
Galina Danilina de l'Université de Tumen : Proust et le "temps long" de la poétique historique.
MAISON DE L'ÉMIGRATION RUSSE SOLJÉNITSYNE
Mardi 29 octobre 2019
Victor Moskvin, Directeur de la Maison de l'Émigration, et Tatiana Victoroff.
Séance vidéo avec la voix de Mikhaïl Bakhtine
Igor Shaitanov Luc Fraisse Polina Rybina
Pause déjeuner au restaurant de la Maison de l'Écrivain
Coktail d'adieu à la Maison de l'Écrivain.
(Photographies de Chantal Waszilewska)
Le rayonnement de la pensée de Sartre était déjà planétaire au milieu du 20e siècle et atteignait des pays aussi lointains de l'Europe que le Chili, à une époque ou les moyens de communication et les transports étaient encore précaires en comparaison à ce qu'ils sont devenus aujourd'hui.
Cet essai, qui s’appuie surtout sur la pensée littéraire de celui qui est considéré en Amérique latine comme le plus grand penseur français contemporain, témoigne de l'influence sartrienne et de son résultat, parfois antithétique, dans Les Phases de la Guérison, œuvre qui débute et se développe grâce à des ouvrages qui vont de La Nausée jusqu'à L'Idiot de la famille, passant par les Carnets de Guerre, Les Chemins de la Liberté, L’Être et le Néant, Réflexions sur la question juive, etc.
L'existentialisme n'est peut-être plus "à la mode", mais l'exemple de Sartre et de sa quête de liberté et d’authenticité est parfaitement vivant et plus nécessaire que jamais.
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[1] Entretien publié simultanément en français, en espagnol et en anglais.[2] C'est la thèse que je soutiens dans Bakhtine, Proust et la polyphonie romanesque chez Dostoïevski .
[3] Fernando Pessoa (Lisbonne 1888 – 1935) est mort pratiquement inédit et méconnu de ses contemporains. Aujourd'hui il est reconnu comme le plus grand écrivain du Portugal et l'un des plus importants poètes du 20e siècle.
Répondant à une invitation du professeur de littérature de l’Universidad de Chile, David Wallace, je me suis rendu à Santiago en octobre 2017 pour quelques échanges avec ses étudiants autour de l’évolution du roman comme genre littéraire et des nouvelles modalités de la littérature narrative rendues possibles par l’invention de l’écriture électronique et l’expansion planétaire d’Internet. Ma collaboration avec Sens Public, depuis sa fondation par Gérard Wormser, au début des années 2000, m’a permis, entre autres, de faire connaître aux étudiants le labeur déployé par l’Association et la revue, dont la perspective numérique, hautement culturelle et avant-gardiste, est désormais connue et suivie dans le milieu universitaire du Chili.
Le dossier est composé de trois articles liés entre eux. Le dernier texte, rédigé par le professeur Wallace lui-même, permet, par la constellation des citations qui l’éclairent, d’avoir un aperçu de l’ensemble de l’avant-garde littéraire latino-américaine tout au long du XXe siècle.
1 - Plagiat et Intertextualité
(Artículo en español : "Plagio e intertextualidad")
2 - Membres épars de l’avant-garde chilienne
Voir le Dossier photographique de "Miembros Dispersos de la vanguardia chilena" en PDF joint, ci-dessous.
LA VIE NOUVELLE DE MARCEL PROUST / LA NUEVA VIDA DE MARCEL PROUST
(À propos du Mystérieux Correspondant)
LA NUEVA VIDA DE PROUST
(A propósito de El Remitente Misterioso )
Éditions de Fallois ha publicado, bajo la dirección de Luc Fraisse, una colección de cuentos inéditos de Marcel Proust, El Remitente Misterioso (Le Mystérieux Correspondant). Son nueve relatos escritos hacia 1896, año de la publicación del primer libro del escritor -Los placeres y los días (Le Plaisir et les Jours)- que reúne textos de los que probablemente formaron parte los inéditos, antes de ser descartados por el autor. Sólo uno de ellos, el que da título a la colección, fue terminado.
Luc Fraisse, especialista de la obra de Proust, percibió la calidad estética de estos fragmentos, conservados durante mucho tiempo en los archivos de Bernard de Fallois (fallecido en 2018), gran aficionado y coleccionista de manuscritos proustianos. Apoyado por Dominique Goust, director de Éditions de Fallois, tomó la decisión de analizarlos científicamente y ofrecer los resultados de su investigación al público más amplio posible, más allá de los círculos universitarios (Luc Fraisse es profesor de literatura en la Universidad de Estrasburgo). Estudió cada uno de los textos, buscando en particular vínculos detectables con los cuentos de Los Placeres y los días, pero también con Contra Sainte-Beuve (Contre Sainte-Beuve) y En búsqueda del tiempo perdido (A la Recherche du Temps Perdu), como lo señala en el ensayo que cierra el libro : Las fuentes de la Búsqueda del Tiempo Perdido (Aux Sources de la Recherche du Temps Perdu).
Lo que llama la atención en la lectura de los nueve textos propuestos, inacabados o no, es su viva calidad poética. Desde la primera línea hasta la última, hay una vida que brota y busca encontrar su forma a través de la escritura. El lector sabe, por supuesto, que se trata de Marcel Proust y que se encuentra ante las primeras manifestaciones de su genialidad. Si sigue con atención el desarrollo de las historias (cierto, a veces abruptas porque no fueron suficientemente trabajadas), no puede sino apreciar el suspenso de las situaciones, el misterio que se esconde detrás de los personajes, la tristeza o el placer transmitidos por la historia contada. La vibración vital que emana de los relatos, su transparencia y su ingenio, los hacen encantadores a pesar de su incompletud. O, quizás, gracias a esta incompletud. ¿A quién no conmueven los primeros dibujos, bocetos o pinturas de Picasso adolescente, todavía poco hábil? Su genialidad ya está ahí, fenómeno por cierto aún más apreciable si se conoce el resto de su producción pictórica. Dudar del interés estético de los escritos juveniles de Proust sería una apreciación más cercana a la pusilanimidad que a una lectura realmente atenta, la cual, además, debe ser razonablemente generosa si se tiene en cuenta la edad de su autor.
El primer cuento -Pauline S.- es la historia de una mujer que padece un cáncer incurable. El relato conlleva una meditación sobre la muerte, tema al cual volvería a menudo Proust en los comienzos de su juventud. El segundo texto -El Remitente Misterioso- cuenta un amor incomprendido entre dos mujeres, cuya frustración provocará la muerte por melancolía de una de ellas y el tardío sentimiento de culpa y desesperación de la otra. A este texto, perfectamente logrado, le sigue un fragmento de una divagación mucho más "hard" (para usar aquí una palabra de la pornografía Internet) y cercana a las fantasías "gays" ("le gustaban los artilleros a los que les lleva un largo tiempo -¡ah tanto tiempo!- para desabrocharse el cinturón”). El tercer relato -Recuerdo de un capitán (Souvenir d’un Capitaine)- evoca también la homosexualidad, aunque la anécdota del ex oficial aristocrático y su deslumbramiento por un modesto cabo de guardia no irá más allá de la sensación de un deseo relámpago y frustrado. En el cuarto relato -Jacques Lefelde (el extranjero) (Jacques Lefelde (l’étranger)- el lector descubre una historia bruscamente interrumpida y decepcionante, cargada de datos inverosímiles. La anécdota se desarrolla en el Bois de Boulogne donde el narrador observa de lejos a un amigo que camina solitario por el lago, esperando a alguien que nunca aparece. El caminante parece un “habitué” del mítico lugar donde hombres y mujeres se pasean en busca de un placer furtivo y rápido, pero, como le confiesa al narrador, sólo está enamorado de la belleza del lago. Difícil de creer. El quinto cuento -En el infierno (Aux enfers)- es una divertida elucubración filosófica en torno a las cualidades y defectos de la mujer, salpicada de algunas referencias a la Biblia. Sodoma y Gomorra (Sodome et Gomorrhe) y la homosexualidad se insinúan detrás de este relato más bien jocoso que, sin embargo, podría despertar la ira de las feministas de hoy. El título del siguiente texto -Después de la octava sinfonía de Beethoven (Après l’huitième symphonie de Beethoven)- anuncia un éxtasis que, a primera vista, el lector puede no experimentar. No hay anécdota en sentido estricto, ni suspenso ni narración en el sentido habitual de la palabra. ¿Es una carta dirigida a un ser querido, a un poeta o una breve meditación a la Schopenhauer sobre la música? El genio de Proust lo empuja a describir, más que un fenómeno puramente estético, reconocible por cualquier melómano, el “cuerpo sutil” conocido por los maestros esotéricos con el nombre de “cuerpo astral”. Pero Proust, todavía muy joven, no es plenamente consciente del alcance de su descripción. En cambio La consciencia de amarlo (La conscience de l’aimer) despliega con claridad, en dos breves páginas, la dolorosa certeza de un amor imposible, reemplazada por las caricias íntimas y solitarias de un gato-ardilla que se desliza entre la fantasía y las manos del decepcionado amante. El regalo de las hadas (Le don des fées), el octavo y más largo de los cuentos inacabados, recuerda con gracia los cuentos de hadas, al tiempo que juega con la imagen del genio benefactor de los artistas que nos hacen la vida menos aburrida, más llevadera, una lista de la que Proust modestamente se excluye dudando de la inmensa luz que su propio genio iba a derramar sobre el espíritu de nuestro tiempo. El protagonista se encierra y se protege tras un muro de metáforas sobre las desgracias del amor humano y escucha con humildad las profecías de un hada sobre su propio destino, donde la enfermedad se convertirá en fuente de iluminación. Fue así que había amado (C’est ainsi qu’il avait aimé) concluye simbólicamente la colección, un breve relato que es una especie de deo gratias de Proust por haber comprendido que -al igual que los pájaros cantores, cuyo destino más hermoso es cantar- su propia salvación vendría de su vocación artística, de su escritura.
He aquí entonces una lectura posible de esta colección de textos abandonados, encontrados en desorden, antes de ser cuidadosa y poéticamente ordenados por su arquitecto-editor. ¿Por qué Proust decidió dejarlos de lado al escribir Los placeres y los días? Para Luc Fraisse una de las razones sería la homosexualidad abiertamente exhibida en algunas situaciones vividas por los personajes. Proust, consciente de la hipocresía de la época sobre el tema, hubiera preferido evitar que su primer libro fuera objeto de la malevolencia de la crítica y del público. Esta hipótesis está respaldada por un hecho histórico inmediatamente contemporáneo a la escritura de los cuentos: la condena en 1895 a dos años de trabajos forzados de uno de los más grandes escritores de finales del siglo XIX, Oscar Wilde, denunciado y martirizado por la burguesía inglesa a causa de su homosexualidad. Proust conoció y admiró a su manera a Oscar Wilde y, sin duda, temía la peligrosa estupidez de la sociedad de su tiempo. Tenía poco más de veinte años y su discreción fue obviamente sensata. Esta discreción se hizo menos necesaria al final de su vida y de su obra. El Proust de Sodoma y Gomorra, ganador del Premio Goncourt de 1919 otorgado a A l’ombre des jeunes filles en fleur ( A la sombra de las jóvenes en flor) segundo tomo de En busca del tiempo perdido, tenía mucho menos que temer de la sociedad de la Belle Époque. Añadamos que, como todos los grandes genios, presentía su muerte próxima. No tenía nada que perder. La secuencia de los hechos le dio la razón, pues murió en 1922, antes de la publicación de Sodoma y Gomorra : quizás no quería encontrarse en el mundo sofisticado y snob del Faubourg Saint Germain obligado a disculparse por sus preferencias sexuales.
Curiosamente, eminentes “proustólogos” parisinos cuestionan no sólo la originalidad y la actualidad de estos textos hasta ahora inéditos, sino también la genialidad del escritor en su juventud. Proust sería, según ellos, sólo un genio “tardío”. Incluso se permiten adelantar, con precisión de relojeros, la edad del comienzo de su genialidad: 42 años. Esta precisión risible es probablemente el resultado de un punto de vista novelesco, convencional y obsoleto, en el análisis de la Recherche y de un enfoque freudiano que distorsiona la percepción revolucionaria de la psicología del "yo" desplegada por Proust. Deficiencias que impiden comprender, entre otras cosas, las características del genio. Kurt Schneider, psiquiatra alemán post-freudiano que define la psicopatía como una "forma de ser" y no como una enfermedad adquirida, sitúa la personalidad del genio en lo más alto de su conmovedora (y, por cierto, cuestionable) lista de psicópatas -Die psychopathischen Persönlichkeiten- , lista que también incluye al criminal. La constelación de genes que acompaña el nacimiento de todo ser humano, se lo quiera o no, son la base del genio. Fernando Pessoa, poeta indiscutiblemente genial, asegura en su Fausto, a pesar de su ateísmo, que “el talento es un don de Dios” y que por eso nunca debería ser motivo de celos por parte de quien no lo posee. Beethoven, el autor de la octava sinfonía , ¿estaba celoso de Mozart y de su sinfonía Nº 40? Mozart, ¿fue un genio solo a partir Don Giovanni y no en su infancia?
Pasemos...
El minucioso aparato científico y poético (en el sentido definido por Roman Jakobson, que supo detectar "lo poético" en diversos aspectos de la creación humana) forjado por Luc Fraisse para relacionar los escritos del joven Proust con los de su madurez, permite apreciar en su verdadera dimensión el genio vivo y en evolución del escritor. En busca del tiempo perdido, majestuoso río de la literatura universal, no puede ser admirado en su verdadera dimensión si lo separamos de sus fuentes. Pero hay todavía otro aspecto poético en la edición de los cuentos inéditos de Proust : la forma de la colección recuerda la estructura de la Vita Nuova de Dante Alighieri, donde el poeta explica, a veces con mucha largueza, lo que quiso decir en su juventud. “La explicación como poesía, la poesía como explicación”, decía Lautréamont en sus Poesías, todas en prosa, que acompañan a los Cantos de Maldoror.
Para no dejar a su vez inconclusa esta nota de lectura, conviene señalar que el libro editado por Dominique Goust y el equipo de Éditions de Fallois (considerada una "petite maison" en el muy altivo “milieu germanopratin” de París) incluye un suplemento de facsímiles de algunos manuscritos y documentos (cartas, fotografías, dibujos). Dominique Goust, al apoyar a Luc Fraisse en su exploración de las fuentes de la obra de Proust, exploración admirable que confirma que el tiempo redescubierto por Marcel Proust abre el camino a una vita nuova de la literatura, ha alcanzado un éxito mundial. El Remitente Misterioso comienza a ser traducido a muchos idiomas. ¿Podemos esperar de los “proustólogos” de todo el mundo, incluso de Francia, el fin de los celos ? Proust (autor del cuento epónimo, La fin de la jalousie), cuyo sentido del humor era verdaderamente genial, reiría a carcajadas.